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 Rosario+Vampire : réflexion philosophique

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Windspirit

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PostSubject: Rosario+Vampire : réflexion philosophique   Rosario+Vampire : réflexion philosophique Icon_minitimeWed Feb 11, 2009 11:10 pm

Rosario+Vampire, salué unanimement par la critique comme le meilleur animé de la saison dernière, revient pour une deuxième saison, au grand bonheur des hordes de fan écumant sur le net. Après cinq épisodes visionnés, le soulagement est réel : on repart sur les bases qui ont fait de Rosario+Vampire, réalisé par l’excellent studio Gonzo, connu pour ses chefs d’oeuvres (Gantz), le pinnacle actuel de l’animation japonaise, de part un subtil mélange entre des thématiques universelles, une approche fine et intelligente de la société nippone, une animation à couper le souffle et une narration ridiculisant les étrangers.

Le seul titre mérite de s’y attarder. Le rosario est la forme latine du rosaire, sorte de chapelet utilisé par les catholiques pour égrener différentes prières : pater, ave, credo, forme de spiritualité oratoire et contemplative. L’une des thématique centrale de l’anime est ainsi subtilement amenée : la contemplation d’une société via son avenir (les lycéens), via une approche cyclique, chaque épisode étant construit selon un même schéma global, s’achevant sur un combat remporté par l’héroïne. La prière du rosaire se termine quant à elle sur un Salve Regina, l’identification mariale est clairement voulue.

Seconde composante du titre, le Vampire, lié au Rosaire par le connecteur faisant sens “+”, campe l’héroïne mariale comme créature mythologique, issue de croyances fondatrices retrouvées dans chaque religion et popularisée en occident par Bram Stoker grâce à son chef-d'oeuvre, Dracula. Le sang recueilli par le Vampire est semblable à celui du Christ, lavant le péché (la mort amenant le jugement et le pardon). Détail particulièrement révélateur, le pieux seul peut vaincre le Vampire, métaphore de la pénétration et du coït, qui ôterait ainsi à l’héroïne son identification à la Sainte Vierge Marie qui, comme le veut la croyance populaire, conçu le Christ vierge (même si, de fait, l’immaculée conception renvoie à une naissance sans la tâche du péché originel commis par nos ancêtres communs, les pères de l'humanité, et non à de futiles considérations d’hymen ; les Japonais n’étant pas de confession catholique, étant donc bien moins instruit que nous sur le sujet, ce mélange est pardonnable). C’est alors que le + prend tout son sens : il s'agit en fait d’une croix, au pied de laquelle le sang du Christ fut recueillit dans le Saint-Graal, et seule la typographie contrariante (désolant...) le transforme en vulgaire +.

Sans même voir une minute de l’anime, les enjeux apparaissent grâce à ce titre très bien pensé. Ce n’est qu’un début dans le tourbillon de réflexions profondes que peut susciter la vision de l’animé chez le téléspectateur averti. Le scénario, malin, renverse la perspective de la normalité en plaçant un lycéen totalement banal et sans aspérités dans un établissement peuplé de monstres. Le mot même de monstre prend ici tout son sens : l’étymologie est claire, le monstre est l’individu, la personne que l’on montre du doigt, le stigmatisant, le séparant du corps social constitué par l’ordinaire. Ici, le monstre est le lycéen humain, seul dans une société inversant la logique démographique. L’évocation de la philosophie Jean-Paul Sartre est ici très pertinente, on pense en particulier à sa célèbre phrase sur les enfants “monstres éduqués de nos regrets”.

Afin de renforcer l’aliénation du personnage principal, seul au milieu de ces monstres, son humanité le rend particulièrement faible face à ses camarades, dotés de pouvoirs. L’exclu est toujours faible, le héros se retrouvent dans la situation d’un étranger ou, plus profondément, d’un peu nanti dans une société capitaliste, le pouvoir brute des monstres qui l'entourent évoquant le pouvoir d’achat manquant tant aux opprimés. Le lycée est ainsi un reflet du capitalisme, de toute notre société : tous les monstres ne sont pas égaux, les plus puissants correspondant aux riches, la masse, anonyme, à la classe moyenne, dont vous et moi font partie, du moins, je le crois. La notation de la puissance, de D à A, peut être identifiée au système de classement américain et français (que nous ne connaissons malheureusement pas au Canada, sauf pour nos amis de la réforme !), d’où une belle leçon pour le jeune téléspectateur : les bases de la richesse sont dans le travail, l'effort, le labeur brut.

Gonzo contrebalance immédiatement ce moralisme par un avertissement pessimiste quant à la société libérale. Les plus forts sont d’un rang S, hors de portée de l'échelle traditionnelle, si ce n’est par la naissance, l’hérédité. Les vraies puissances du monde naissent ainsi (et ça a toujours été le cas ; mentionnons les successions chez les grands dirigeants autocrates de notre histoire, allant de l'imperator romain au Roy de France), il est possible de s’élever, mais pas au sommet. A partir de ce constat social, véritable attaque frontale contre Jean-Jacques Rousseau et sa conceptualisation de la société, l’anime développe une double idée sur le rôle du riche dans la plutocratie mondiale et plus spécifiquement japonaise : humilité, la Vampire de rang S se faisant passer pour un monstre normal, sans prérogatives supérieures, et responsabilité, en cas d’abus, elle revendique son pouvoir (émulant ainsi un véritable droit de véto) pour rétablir l’ordre et assurer la cohésion du corps que constitue le lycée, tout en protégeant le faible, l’exclu, l’incompris, à savoir notre anti-héros humain. Le premier message de l’anime, c’est cette problématique d’intégration et de respect de celui qui n’a rien si ce n’est son sang, sa force vitale, c’est à dire son travail, l'effort qu'il fournit quotidiennement, qui doit aider le riche et puissant à contrôler la société pour le bien commun : nous ne sommes pas loin du Banquet de Platon ! Si l’on reprend la réflexion sur les aspects religieux du titre, on entrevoit la double nécessité du temporel et du spirituel pour assurer la bonne marche de tous vers le bonheur, dans un contexte de globalité sociale.

L’anime ne se contente pas d’une réflexion gébérale sur les problématiques nées de la mondialisation, cependant. Toujours à la page, suivant les idées actuelles du think global be local, il propose aussi une subtile étude de mœurs et campe des personnages justes, archétypaux, même, mais jamais caricaturaux. Le héros est déchiré entre quatre lycéennes, chacune représentant une qualité fondamentale chez une compagne : puissance/richesse pour la Vampire, beauté/fertilité chez la Succube, jeunesse/intelligence chez la Magical Girl, libre pensée et recul pour la Ice Queen. La poitrine, symbole d’opulence, est ici proportionnelle à la matérialité de la femme, les qualités les plus intellectuels amenant un petit bonnet ; comme vous pouvez le voir, aucun détail visuel n'est laissé au hasard, sans considération, et il est indubitable que ceci est preuve de professionnalisme (devons-nous encore chanter les louanges du studio Gonzo ?). Le héros symbolise le pauvre, l’exclu. Vous allez me pointer une contradiction entre ce statut et l’attirance suscitée chez ces demoiselles. Pas du tout, et là est tout l’art de Gonzo! Étant unique, lui seul peut permettre la régénération de la société immobile, telle une page blanche, amener sang neuf, gènes neufs, et autoriser de par là une réelle progression de chacun ; cette philosophie progressiste fait le reflet du mode de fonctionnement d'une société en état de crise, comme nous le vivons en ce moment.

Mais hélas, bien souvent, le fan paresseux de dessins animés japonais regarde d’un œil las et laconique les animés et manque toute l’essence d’une œuvre. Gonzo ne voulait pas, avec Rosario+Vampire, parler dans le désert et voir tout un travail de défrichement perdu faute d’audience. Après tout, les grands auteurs ont toujours su concilier spectaculaire et intelligence : tel est la Puissance d'une Oeuvre Artistique. Rosario+Vampire propose donc, pour supporter les idées développées, un habile mélange entre romance et bataille (spectacle), métaphore de l’adolescence, parsemées de faux fanservice (intelligence). Le médiocre s’arrêtant à peu pourrait y avoir du racolage actif. Non ! Les culottes des différentes héroïnes ont le rôle du masque dans le carnaval vénitien ou même la tragédie grecque (voir mon analyse shakespearienne de School Days), exprimant en quelques pixels les traits fondamentaux des personnages. Par exemple, la succube porte du jaune sur sa culotte, couleur du Soleil, du dieu grec Apollon, connu pour sa beauté, faisant croitre les plantes, nous renvoyant donc à la symbolique beauté/fertilité associée au personnage. Rien n'est laissé au hasard, je vous dis : Rosario+Vampire réussit ainsi à intégrer parfaitement le fanservice semblant banals dans un message plus global, et, pour bien signifier la vacuité des apparences, brise régulièrement le quatrième mur, ce qui renvoie encore et toujours à Platon, ici la Caverne.

Pour conclure, cet anime m’a complètement bouleversé, bousculant toutes mes conceptions du monde et de la société, m’instruisant plus que n’importe quel documentaire sur le Japon, et explique vraiment la PASSION du fan de dessin animé japonais moyen que je suis, cette PASSION qui nous pousse tous à décrypter ; à analyser, disséquer littéralement l’animation japonaise.


Vous vous plaindrez sans doute du manque de screenshots dans cette analyse : de 1, cela symbolise parfaitement l'oeil las et laconique qui vous gangrène dont je parlai plus haut ; de 2, chaque plan de cet anime est un tel travail d'auteur que publier un screenshot constituerait un spoiler. J'espère que vous serez capable d'entrevoir, comme moi, la symbolique et la réflexion à peine sous-jacente de cet anime extrêmement sous-estimé autant que moi, à présent. Et croyez-moi, il y en aurait encore beaucoup à dire sur le sujet : au hasard, l'aspect homoérotique freudien du rosaire, qui n'en est pas vraiment un, en fait, car après tout, dans cet objet lourd de sens, les boules se touchent...
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